À la suite des athlètes et des nageurs,
deux Français ont de nouveau décroché l'or. Ces
distinctions concernent cette fois des prouesses
réalisées grâce à leur matière grise. Ce sont en
effet deux jeunes mathématiciens français qui ont
jeudi décroché
leur médaille Fields, souvent présentée comme le
«Nobel des mathématiques». Cédric Villani, 36 ans et
Ngo Bao Chau, 38 ans, ainsi que l'Israélien Elon
Lindenstrauss et le Russo-Suédois Stanislav Smirnov
(quatre lauréats, tous les quatre ans), ont jeudi
reçu la prestigieuse récompense, des mains de la
présidente indienne, Pratibha Patil, à l'ouverture
du Congrès international des mathématiciens 2010. Ce
dernier réunit plus de 3000 chercheurs du monde
entier, jusqu'au 27 août à Hyderabad, au centre de
l'Inde. Cette médaille en or, portant à son recto le
portrait du mathématicien de l'Antiquité Archimède,
a une valeur d'un peu plus de 10.000 €.
Nicolas Sarkozy et François Fillon ont félicité
les deux Français, tout comme la ministre de la
Recherche, Valérie Pécresse, qui a estimé que ces
récompenses «illustrent une fois encore l'excellence
de la recherche française en mathématiques». Sur les
52 médailles Fields décernées depuis 1936, onze sont
allées à des Français, ce qui place notre pays au
deuxième rang après les États-Unis (13).
Les deux lauréats sont tous les deux «tombés dans
les mathématiques» dès leur plus jeune âge. Cédric
Villani, né en 1973 à Brive-la-Gaillarde, avait
pourtant des parents littéraires et n'a «jamais
discuté de maths avec eux». C'est un prof en 3e qui
a suscité sa vocation. Après avoir eu 20 en maths au
bac, il suit des classes préparatoires, dont il
estime que «si le système français est si performant
sur la scène internationale, c'est en grande partie
grâce à elles». Après l'École normale supérieure
(ENS), il dirige aujourd'hui l'Institut
Henri-Poincaré (IHP) à Paris, dédié à l'accueil et
aux rencontres de chercheurs français et étrangers.
Comme toujours, les énoncés «bruts» de leurs
travaux restent mystérieux aux profanes. Ainsi,
Cédric Villani a été récompensé pour des travaux
portant notamment sur «l'amortissement de Landau» et
«les équations de Boltzmann». «En fait,
explique-t-il, ces équations décrivent le
comportement de gaz et de plasmas et tentent
d'expliquer leur écoulement et leur comportement. Je
suis ainsi, par exemple, à l'extrémité la plus
théorique de ceux qui travaillent sur le futur
réacteur à fusion nucléaire (Iter).» Une autre
partie de ses travaux porte, du côté pratique, sur
l'optimisation et la gestion des transports.
Communauté réjouie
Pour sa part, Ngo Bao Chau, né en 1972 à Hanoï
d'un père physicien et d'une mère médecin,
naturalisé français en 2010, a pu obtenir, grâce à
ses impressionnantes capacités en mathématiques, une
bourse pour étudier à l'université
Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI). Il passe lui aussi
par l'ENS, puis soutient une thèse à l'université
Paris-Sud. Il y enseigne depuis 2005, a été détaché
à l'Institute for Advanced Study de Princeton et
enseignera à partir de septembre à l'université de
Chicago. C'est la quatrième médaille Fields que le
laboratoire de mathématiques d'Orsay (Université
Paris-Sud 11-CNRS) obtient.
Il a reçu la médaille Fields pour sa
démonstration, en 2008, du «Lemme fondamental», une
conjecture formulée en 1987. Il s'agit de travaux
consacrés à la théorie des nombres qui établit des
relations entre deux domaines distincts des
mathématiques, l'arithmétique et la théorie des
groupes. Ils ont été cités en décembre dernier dans
le magazine Times «comme l'une des dix plus belles
découvertes de l'année».
Toute la communauté mathématique française s'est
réjouie de ces deux nouvelles médailles Fields, que
ce soit bien sûr à Paris-Sud, à la Fondation
sciences mathématiques de Paris, à l'Institut des
hautes études scientifiques (IHES), à l'Institut des
sciences mathématiques et leurs interactions (la
nouvelle structure du CNRS) et dans les autres
structures universitaires. La France reste bien une
terre de mathématiques. Mais à quand une femme
médaillée?